Réforme constitutionnelle : le défi complexe qui attend Emmanuel Macron

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Macron face au défi risqué de la réforme constitutionnelle

Lors de son discours devant le Conseil constitutionnel pour marquer les 65 ans de la Cinquième République, le président de la République doit clarifier ses intentions concernant la révision de la Constitution. Parvenir à faire adopter une réforme constitue un défi loin d'être certain.

Par Grégoire Poussielgue

Par l'auteur

Précaution requise. Afin de commémorer le 65e anniversaire de l'adoption de la Constitution de la Cinquième République le 4 octobre 1958, Emmanuel Macron s'apprête à prononcer un discours devant le Conseil Constitutionnel ce mercredi. L'objectif de ce discours est de faire le bilan des nombreux projets de réforme constitutionnelle envisagés par le gouvernement.

Sans divulguer le contenu du discours présidentiel, l'Elysée annonçait un "événement extrêmement significatif" tout en soulignant que la réforme de la Constitution doit être abordée avec prudence. On rappelle au Château que la révision de la Constitution ne se fait pas en raison de l'émotion suscitée par tel ou tel sujet.

Emmanuel Macron fait face à de nombreux échecs. Pendant son premier mandat, ses projets de réforme constitutionnelle n'ont jamais abouti. Cela représente un revers pour quelqu'un qui souhaitait rénover la démocratie en 2017. La première réforme, présentée en avril 2018 lors du Conseil des ministres, a été bloquée à l'Assemblée nationale en juillet 2018, en raison de l'affaire Benalla. Une tentative de relance un an plus tard n'a pas non plus connu de succès.

Au début de l'année 2021, le projet de loi constitutionnelle visant à inclure la préservation de l'environnement dans l'article 1 de la Constitution a été abandonné après la Convention citoyenne pour le climat (CCC). L'Assemblée nationale et le Sénat n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un texte commun, ce qui a empêché la tenue du référendum promis par Emmanuel Macron aux membres de la CCC.

Face à la crise démocratique, plusieurs projets de réforme constitutionnelle ont émergé ces derniers mois. Parmi ceux-ci, on retrouve l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution, la question de l'autonomie de la Corse qui a été abordée lors d'une visite présidentielle sur l'île, la modification du statut de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'une réforme de l'article 11 qui régit l'utilisation du référendum. Ces propositions ont été portées soit par le président de la République lui-même, soit par les partis d'opposition.

Ces propositions sont perçues par certains comme une solution à la crise démocratique. Les partis de droite et de gauche les soutiennent. Cependant, l'Elysée souligne également certaines limites. On affirme que "la fièvre constitutionnelle n'est pas nécessairement bénéfique pour la clarté du débat et il faut éviter la confusion dans ce débat et toute tentative aventureuse de modifier la constitution", tout en encourageant à être "extrêmement attentif" à ce que le président dira sur la question du référendum.

La réforme de la Constitution est un processus complexe et laborieux. Il nécessite l'approbation du projet de loi dans les deux chambres avec un poids égal accordé au Sénat et à l'Assemblée. Ensuite, il doit être approuvé par une majorité des trois cinquièmes au Congrès ou par référendum. Pour cela, il est essentiel de trouver des soutiens à l'Assemblée nationale, où Emmanuel Macron et ses alliés Modem et Horizons n'ont qu'une majorité relative, ainsi que de parvenir à un accord avec le Sénat.

Lors des récentes élections du 24 septembre, la droite et le centre ont renforcé leur majorité au Sénat. Gérard Larcher, récemment réélu à la présidence du Sénat, a tenu à rappeler cela à Emmanuel Macron. Il a déclaré qu'ils étaient ouverts à toute réforme qui améliorerait le fonctionnement de notre démocratie, à condition qu'elle contribue à réunifier le pays et à rétablir la confiance du peuple envers ses parlementaires, ses dirigeants et son système judiciaire. Cependant, il a averti que notre Constitution ne devrait pas être modifiée en fonction des impulsions du moment.

Préoccupations concernant l'avortement

Des préoccupations se font sentir quant à l'inscription de l'avortement dans la Constitution. Sarah Durocher, présidente du Planning familial, a souligné la semaine dernière que le président de la République et le gouvernement ne semblent pas accorder d'importance à cette question depuis que le chef de l'Etat s'est exprimé le 8 mars dernier. Bien que l'Assemblée nationale et le Sénat aient voté un texte, ils l'ont fait en utilisant des termes différents. La première parle du "droit" de recourir à l'avortement, tandis que le second utilise le terme de "liberté".

Depuis le début de l'année, la navette parlementaire est suspendue suite au vote du Sénat. Selon un ministre, Emmanuel Macron retarde la prise de décision concernant l'IVG. Il préfère éviter que cette question devienne le seul sujet d'une réforme constitutionnelle, car ce n'est pas un sujet qui l'intéresse particulièrement. La majorité redoute surtout que La France Insoumise, à l'origine de la première proposition de loi sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution, adopte le texte du Sénat lors de sa propre session parlementaire fin novembre.

Situation urgente en Nouvelle-Calédonie

Emmanuel Macron doit agir rapidement en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, suite aux trois référendums et avant les élections territoriales prévues au printemps 2024. Étant donné que le changement du corps électoral nécessite une réforme constitutionnelle, il est nécessaire de mettre en place un projet de loi spécifique, comme annoncé par Emmanuel Macron en juillet dernier. Lors de sa visite à Nouméa le 26 juillet, il avait déclaré : « Je souhaite qu'une révision de la Constitution de la Ve République puisse être réalisée début 2024 », en parlant d'une révision constitutionnelle « dédiée à la Nouvelle-Calédonie ».

En ce qui concerne le reste, il pourrait être tentant de proposer un projet de loi qui aborde plusieurs sujets tels que l'IVG, la Corse, le droit à la différenciation pour les régions, le référendum et même l'environnement, en reprenant la réforme qui a été abandonnée en 2021. La question de l'élargissement du référendum a été discutée lors de la rencontre entre Emmanuel Macron et les chefs de parti à Saint-Denis, mais elle suscite déjà de vives divisions. La gauche refuse d'envisager un référendum sur l'immigration.

Il semble difficile de trouver une solution pour un tel texte. Emmanuel Macron inclura des dispositions demandées par la droite, comme le référendum sur l'immigration, et par la gauche, comme l'IVG ou l'environnement. Cependant, chaque camp aura de bonnes raisons de voter contre. De plus, il faut prendre en compte l'opposition entre l'Assemblée nationale et le Sénat, ainsi que la simple majorité relative à l'Assemblée, ce qui complique davantage le projet. C'est ce que souligne le politologue Benjamin Morel.

Depuis 1958, la Constitution a subi 24 réformes. La dernière révision, qui date de 2008, était très importante car elle concernait la moitié des articles de la Constitution. Elle comprenait des changements tels que la limitation à deux mandats présidentiels, la limitation du 49.3 et l'introduction de la QPC. Cette révision a été adoptée de justesse au Congrès, malgré la confortable majorité dont disposait le président de la République à l'époque, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Avant le discours présidentiel de ce mercredi, l'Elysée estimait sobrement qu'il était nécessaire de trouver un moyen de rassembler les forces politiques au-delà des divisions.

Grégoire Poussielgue

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