Projet sur l'eau : l'idée d'une tarification progressive généralisée ne rencontre pas le succès escompté
Il y a un an, Emmanuel Macron avait exprimé son souhait de généraliser la tarification progressive de l'eau pour limiter la consommation excessive. Cependant, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a émis un avis mitigé et peu de collectivités ont mis en place cette mesure depuis lors.
Écrit par Anne Feitz
Augmenter le prix de l'eau au-delà d'un certain seuil de consommation afin d'encourager les habitants de France à limiter l'arrosage de leur jardin, le remplissage de leur piscine et le lavage de leur voiture. Suite à la sécheresse exceptionnelle de l'année 2022, la proposition d'une tarification progressive de l'eau est devenue une possibilité envisagée.
Il y a un an, Emmanuel Macron a annoncé dans le cadre du plan eau son souhait de voir la pratique de la préservation de l'eau se répandre en France. Cela souligne l'importance de ne pas gaspiller cette ressource précieuse.
De nombreux obstacles ont été identifiés. Depuis lors, les autorités locales ont montré un intérêt de plus en plus marqué pour ce type de facturation incitative. Régis Taisne, responsable du département de gestion de l'eau à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), constate une augmentation des interrogations sur ce sujet.
Certaines villes ont déjà décidé de suivre l'exemple de Dunkerque et Montpellier en mettant en place des mesures similaires. Par exemple, la Métropole de Lyon a récemment annoncé qu'elle offrirait les 12 premiers mètres cubes d'eau consommés par les particuliers et qu'elle augmenterait les tarifs au-delà de 180 m3 à partir du 1er janvier 2025.
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Cependant, certaines villes comme Bordeaux ont décidé de revenir sur leur décision d'adopter une tarification progressive, tandis que Grenoble a finalement décidé de ne pas la mettre en place après avoir étudié la question.
Il y a plusieurs obstacles à la mise en œuvre du plan eau, et les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. La gestion de l'eau, y compris sa tarification, est de la responsabilité des collectivités locales et non de l'État. Par conséquent, le plan eau prévoyait simplement de demander l'avis du Conseil économique social et environnemental (Cese) sur les changements nécessaires pour une généralisation.
Protection des informations personnelles
Établi vers la mi-septembre, ce rapport a été finalisé vers la fin de novembre, concluant que les conditions nécessaires pour une généralisation ne sont pas remplies actuellement. Selon Jean-Yves Lautridou, l'un des auteurs de l'avis avec Jean-Marie Beauvais, il y a peu de données fiables sur le sujet, mais les retours d'expérience suggèrent que l'augmentation des tarifs ne conduit pas nécessairement à une baisse de la consommation.
En raison du faible coût par mètre cube de l'eau, qui est généralement ajouté à celui de l'abonnement, la diminution de la consommation est souvent le résultat de modifications techniques telles que l'installation de mousseurs sur les robinets ou de chasses d'eau à double débit sur les toilettes, explique-t-il.
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La tarification progressive a été introduite en 2006 et testée dans le cadre de la loi Brottes de 2013, principalement pour des raisons sociales. Cependant, selon Jean-Marie Beauvais, l'objectif de sobriété énergétique est apparu plus récemment. Malheureusement, en pratique, cela a parfois entraîné des complications inutiles.
En réalité, la mise en place de cette mesure est très complexe. Selon Régis Taisne, il est nécessaire de pouvoir ajuster la consommation d'eau d'un logement en fonction du nombre de personnes qui y résident afin de ne pas pénaliser les personnes vivant seules. Cependant, le décret permettant aux services d'eau d'obtenir ces informations de la CAF, en cours de préparation depuis plusieurs années, est actuellement bloqué par la CAF qui s'y oppose pour des raisons de confidentialité des données, explique Jean-Marie Beauvais.
Augmentation des prix à prévoir
Un autre obstacle est l'habitat collectif où les ménages ne ont pas de compteurs individuels. Selon Jean-Yves Lautridou, dans l'agglomération de Dunkerque, 85% des compteurs sont individuels, mais au niveau national, ce taux est inférieur à 50%. Il est donc difficile d'appliquer des tarifs différenciés dans ces cas-là.
Montpellier a trouvé une solution en limitant l'application du système aux abonnés déjà équipés. C'est pourquoi Bordeaux a décidé de ne pas le mettre en place. La Métropole a jugé que le système était injuste pour les personnes seules et les habitants d'immeubles collectifs. Selon Jean-Yves Lautridou, la vice-présidente de Bordeaux Métropole, Sylvie Cassou-Schotte, a expliqué que le coût de l'équipement de tous les abonnés aurait été de 10 millions d'euros.
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Une autre difficulté réside dans la prise en considération des besoins des professionnels. Par exemple, la consommation d'eau des coiffeurs et des boulangers peut parfois être regroupée dans des compteurs collectifs. De plus, il est difficile d'établir une consommation juste pour ces professionnels.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) n'a pas exprimé d'opposition à la tarification progressive, mais a estimé qu'il était prématuré de la généraliser. Il a suggéré que d'autres approches pouvaient être explorées pour sensibiliser le public à la gestion de l'eau. Par exemple, la ville de Fouesnant augmente le prix de l'eau pendant l'été, lorsque sa population passe de 30 000 à 100 000 habitants, afin de ne pas pénaliser les résidents toute l'année. Cette initiative a été citée par Jean-Marie Beauvais comme un exemple intéressant.
Selon le Cese, il est certain que les tarifs de l'eau vont augmenter et il est nécessaire de se préparer sérieusement à cette hausse. Les revenus des services de l'eau dépendent de la consommation, qui devrait diminuer, tandis que les coûts liés au traitement des eaux usées et à la rénovation des réseaux vont augmenter, explique Jean-Marie Beauvais. Il est clair que l'époque de l'eau bon marché est révolue.
Anne Feitz
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