Les députés se préparent à interdire les substances chimiques persistantes dans l'industrie en France d'ici 2030. Une proposition de loi portée par le député écologiste Nicolas Thierry sera discutée ce jeudi à l'Assemblée nationale. Adopté à l'unanimité en commission du Développement durable la semaine dernière, le texte a cependant été modifié suite à l'opposition vive du groupe SEB, qui utilise certains des composants visés dans ses revêtements antiadhésifs.
Écrit par Anne Feitz
Les substances polluantes persistantes pourraient être interdites en France à partir de 2030, selon une proposition de loi présentée par le député écologiste Nicolas Thierry et qui sera examinée ce jeudi par l'Assemblée nationale.
La proposition de loi prévoyait initialement d'interdire la fabrication, l'exportation, l'importation et la vente de produits contenant des composants polyfluoroalkylés et perfluoroalkylés (PFAS) à partir du 1er janvier 2026 dans divers secteurs tels que la cuisine, les cosmétiques, les produits de ski et les vêtements. Cependant, la majorité a décidé d'amender cette proposition pour repousser la date d'interdiction à 2030.
Questions de santé publique
La version modifiée du texte a été approuvée à l'unanimité la semaine dernière lors de son examen en commission du Développement durable de l'Assemblée nationale. Cependant, le groupe SEB, l'une des entreprises concernées, a depuis exprimé ses préoccupations, en indiquant que 3 000 emplois sont en jeu en France et en appelant ses employés à manifester ce mercredi devant l'Assemblée nationale.
Il y a suffisamment de raisons pour que la plupart des partis politiques (Renaissance, Modem et Horizons) reculent sur cette question. Jean-Marc Zulesi, député de Renaissance et président de la commission du Développement durable, estime qu'il est nécessaire d'adopter une loi montrant l'engagement de la France contre les PFAS, tout en préservant l'industrie française.
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ANALYSE – Une série de conseils pour lutter contre les substances toxiques persistantes
Appelés « polluants persistants » en raison de leur capacité à rester longtemps dans l'environnement sans se dégrader, ces substances chimiques se retrouvent dans de nombreux objets du quotidien en raison de leurs propriétés anti-inflammatoires, antiadhésives et de résistance à la chaleur. Cependant, de nombreuses recherches ont montré qu'ils peuvent causer des cancers, des troubles de la reproduction et du système hormonal, ainsi qu'une diminution de la réponse immunitaire aux vaccins.
Peu connus, les PFAS sont sous surveillance à Bruxelles, par le gouvernement et par les parlementaires depuis un certain temps. Nicolas Thierry souhaite que la France devienne le premier pays à les interdire avec sa proposition de loi. Il est convaincu que leur disparition dans tous les domaines est inévitable pour des raisons de santé publique, sauf en cas d'absence totale d'alternative. Son but est de sauver des vies humaines.
La Réserve de Bercy est en attente de la décision officielle du gouvernement, mais plusieurs ministères préfèrent suivre le rythme de Bruxelles. En effet, l'Agence européenne des produits chimiques prévoit une interdiction des PFAS qui ne devrait pas être mise en place avant 2027-2028.
Le ministère de la Transition écologique et Bercy ont confirmé qu'ils cherchent à éviter les lois nationales qui ne s'appliqueraient pas au niveau européen. C'est une politique durable du gouvernement.
En fait, les instruments de cuisine étaient le principal sujet de préoccupation. Selon Nicolas Thierry, dans d'autres domaines comme les cosmétiques ou le textile, les fabricants ont anticipé et sont déjà engagés dans un processus de retrait à court terme. Ils ont pris conscience des scandales liés aux PFAS aux États-Unis et ont compris que miser sur des composants polluants pourrait être destructeur pour l'emploi.
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La Métropole de Lyon poursuit Daikin et Arkema en justice pour leur responsabilité dans la pollution persistante.
En Europe, la quantité de substances polluantes persistantes présentes dans les fruits et légumes est en forte augmentation.
Le groupe SEB, qui détient la marque Tefal, affirme que le PFAS utilisé dans leurs poêles n'est pas dangereux pour la santé ou l'environnement selon les autorités sanitaires. Thierry de La Tour d'Artaise, président de SEB, a mentionné lors d'une interview à "La Tribune" qu'il existe de nombreuses études soutenant cette affirmation.
En plus des 3 000 emplois en France, cette argumentation est prise en compte par le ministère des Finances, mais n'arrive pas à convaincre les organisations non gouvernementales environnementales. François Veillerette de Générations futures souligne que la fabrication et la décomposition du PTFE génèrent des PFAS toxiques.
Lors d'un important procès aux Etats-Unis, Nicolas Thierry affirme qu'il est impossible de traiter individuellement les 12 000 molécules constituant les PFAS. Selon lui, cela permet aux industriels de retarder les discussions. Sa proposition de loi vise à renforcer les contrôles, notamment sur l'eau potable, et à faire appliquer le principe du pollueur-payeur pour que les industriels responsables des rejets de PFAS contribuent financièrement.
Aux États-Unis, plusieurs grands procès concernant les PFAS ont abouti à de lourdes compensations financières, notamment pour la décontamination de sites pollués. Par exemple, 3M a accepté de payer 12,5 milliards de dollars pour mettre fin à des poursuites judiciaires intentées par des fournisseurs d'eau. Cette tendance commence à se manifester en France, comme le montre la récente action en justice engagée par la métropole de Lyon contre les entreprises chimiques Arkema et Daikin.
Anne Feitz
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