
Pourquoi les réservoirs agricoles suscitent-ils autant de controverses en matière de partage de l'eau ?
Ce week-end, plus de 4 500 militants se sont réunis dans les Deux-Sèvres pour protester contre un projet de mégabassines. Ces réservoirs agricoles sont critiqués par de nombreuses organisations environnementales pour prolonger un modèle agricole jugé inadapté face au changement climatique.
Écrit par Solène Cazenave
Un an et trois mois après les affrontements à Sainte-Soline, la protestation contre les mégabassines reprend vigoureusement. Des milliers de personnes se sont rassemblées cette semaine à Melle, dans les Deux-Sèvres, à la demande de diverses organisations écologistes. Elles réclament un arrêt temporaire de la construction de bassines agricoles, qu'elles considèrent désormais comme le symbole d'une opposition à la transition écologique.
Ces bassins artificiels de stockage d'eau sont recouverts de bâches en plastique et se trouvent derrière des digues très hautes. Selon l'hydrogéologue Florence Habets, il s'agit de réservoirs d'eau qui ne sont pas situés le long d'un cours d'eau. Ainsi, chaque réservoir nécessite un système de pompage et une longue tuyauterie pour fonctionner correctement.
L'extraction est généralement effectuée à partir d'une nappe souterraine ou parfois d'une rivière. Il est important de différencier les bassins de stockage d'eau des autres structures traditionnelles telles que les barrages fluviaux ou les réservoirs de montagne.
Il est difficile de savoir combien de bassines existent en France, car le ministère de l'Agriculture ne fournit pas de chiffres. Selon les associations environnementales, il y en aurait entre quelques centaines et 2 000. Ce qui est certain, c'est que les projets de bassines se multiplient depuis le forum sur l'eau tenu en 2021 et sont encouragés par le gouvernement.
Découvrez également:
Gérald Darmanin reste vigilant concernant les mégabassines.
Le groupe Les Soulèvements de la Terre est à l'origine des manifestations prévues ce week-end dans la Vienne. Ils ont recensé 60 bassines déjà en service, 50 en cours de construction et plus de 150 en projet. La plupart de ces bassines se situent dans la région du Poitou, qui est caractérisée par un terrain peu accidenté et où ce type de structures a commencé à être construit dès les années 1990.
Cependant, certaines autres zones commencent à adopter cette pratique. En effet, dans le département du Puy-de-Dôme, 36 agriculteurs envisagent de mettre en place deux réservoirs alimentés par un pompage dans la rivière Allier. Ces réservoirs auraient une capacité de stockage totale de 2,3 millions de mètres cubes d'eau, équivalant à plus de 900 piscines olympiques, ce qui en ferait les plus grands de France.
Avec des ressources limitées et des besoins croissants, certains projets sont présentés comme des réserves d'eau pour pallier aux variations saisonnières. Cependant, les associations environnementales remettent en question cette approche, affirmant que la construction de ces réservoirs entraîne une augmentation globale des prélèvements et crée une fausse illusion de sécurité. Pour Jean Burkard, du WWF France, la solution serait de réduire notre consommation d'eau plutôt que de penser pouvoir répondre à une demande toujours croissante.
Découvrez également :
STATISTIQUES – Quels secteurs en France utilisent le plus d'eau : agriculture, industrie ou nucléaire ?
Une constatation renforcée par des décisions de justice qui ont rejeté plusieurs projets de réservoirs d'eau. Le 9 juillet, le tribunal administratif de Poitiers a réduit certains volumes de prélèvements autorisés, jugés trop importants en raison de la rareté de la ressource en eau.
En raison de la diminution de la disponibilité de l'eau, causée par le changement climatique, la ressource a diminué de 14 % au cours des quinze dernières années, selon une étude de France Stratégie, et cette tendance devrait s'aggraver. Par conséquent, l'irrigation est de plus en plus utilisée pour compenser le manque de pluie.
Pour les opposants aux bassines, ces réservoirs ne sont qu'un palliatif qui empêche la nécessaire évolution des pratiques agricoles pour faire face au changement climatique. La Cour des comptes a qualifié cela de "maladaptation" en début d'année 2024. Le GIEC affirme également dans son sixième rapport de synthèse que ces réservoirs ne seront pas suffisants en cas de réchauffement climatique plus important et renforceront la dépendance à l'eau.
Les projets de construction pour les plus grands d'entre eux nécessitent des investissements considérables, avec des coûts atteignant plusieurs millions d'euros : 3 millions pour Mauzé-sur-le-Mignon et près de 7 millions pour Sainte-Soline. Ces projets sont financés en grande partie, jusqu'à 70 %, par les agences de l'eau et les établissements de l'Etat.
Consultez également :
ANALYSE – L'impact du changement climatique sur la souveraineté alimentaire de la France
Malgré les sommes importantes investies par l'État, les agriculteurs se retrouvent face à des coûts importants, selon Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Ce syndicat agricole minoritaire demande un gel des projets de bassines. En s'endettant fortement, les agriculteurs sont contraints de maintenir des rendements élevés, sans pouvoir explorer d'autres méthodes. Florence Habets souligne également la contrainte extrême du système agricole, qui absorbe tous les efforts et les ressources, laissant les agriculteurs sans possibilité d'innover.
En 2023, l'Etat a annoncé un plan d'action pour encourager les pratiques agricoles plus économes en eau. Un budget de 30 millions d'euros par an a été alloué à cette initiative. Cependant, contrairement aux subventions accordées à certaines exploitations, cette enveloppe devra être partagée entre les 500 000 agriculteurs en France.
Afin de réduire les conflits, des défenseurs de l'environnement demandent une amélioration du dialogue concernant ces projets. Selon Jean Burkard de WWF France, ces projets se retrouvent souvent devant les tribunaux, ce qui est regretté. Il considère que le gouvernement Attal a envoyé un message négatif en limitant les possibilités de recours par le biais d'un décret publié en mai.
Décryptage : Impact des pénuries d'eau sur les cultures de céréales en raison du changement climatique.
Devant la diminution de la quantité d'eau disponible, la Cour des comptes recommande de réduire les prélèvements.
Le texte a été écrit par Solène Cazen
Découvrez nos nouveaux services Premium !
Vidéos disponibles
Quels sont les gagnants des paris sportifs en ligne ?
Les pays du Club Med comme le Portugal, l'Espagne et la Grèce prennent leur revanche
Les jeunes rencontrent-ils des difficultés avec le monde du travail ?
Est-ce que la concurrence dans le secteur ferroviaire peut faire baisser les prix des billets de train ?
Articles populaires
Les conséquences du réchauffement climatique sur les ressources en eau en France
Lancement de la bataille de la biomasse
Le retour inquiétant de la coqueluche en France
Actualités
Est-ce que les taux de crédit immobilier peuvent encore baisser ?
Bernard Thibault est optimiste quant à l'exemplarité des JO de Paris grâce à la charte sociale
La popularité des offres d'Internet fixe est en baisse en France
Sujets de société
Le retour inquiétant de la coqueluche en France
La bataille de la biomasse est lancée
Les effets du réchauffement climatique sur les ressources en eau en France
Informations pratiques
P
L'Ensemble
Tous les droits sont conservés par Les Echos en 2024.